Si on m 'avait dit...


Que recevoir une lettre de licenciement me ferait pleurer de joie... Que je trouverais encore de la force en moi pour me réjouir après m'être tant épuisée à me battre... 
J'ai grandi dans une famille dans laquelle le sens de l'effort, le travail sont considérés comme des valeurs essentielles. Qu'on m'a inculquées très tôt. Des valeurs non négociables qui sont tout naturellement devenues miennes. Pour te dire, quand j'étais gamine et qu'on me demandait comment je rêvais mon futur mari, je répondais invariablement "sérieux dans son travail". Alors tu penses bien que si on m'avait dit un jour que j'aurais envie d'embrasser une factrice sur la bouche au moment où elle me remettrait l'enveloppe contenant mon avis de licenciement, je n'y aurais bien évidemment pas cru.

Et pourtant...

Il en a fallu, des larmes. Cachée dans les toilettes du magasin, un peu plus à chaque jour qui passe. Planquée dans ma voiture sur le parking en sortant du boulot le soir. Au téléphone avec mon Chéri. Dans les bras de ma maman, qui ne comprenait pas comment le travail pouvait faire aussi mal. Chez les copines-collègues, qui pleuraient avec moi.
Il en a fallu, des instants d'hallucination. Des fumeuses méthodes de management à coup de cri de guerre et autre "tu perds, tu régales". Des ordres et des contre-ordres me donnant la sensation de me tuer à la tâche. Des traques organisées quand les résultats d'un référendum n'allaient pas à 100% dans le sens du patron. Des heures de mon travail foutues en l'air parce qu'une chef avait décidé de faire du zèle.
Il en a fallu, des hypocrisies. Des soit-disant copines qui te plantent un couteau dans le dos à peine tu te retournes. Des ragots de radio-moquette auxquels je trouve honteux qu'un cadre supérieur accorde du crédit. Des enquêtes sur les risques psychosociaux dont j'ai le sentiment qu'elles n'étaient là que pour donner bonne conscience à la direction.
Il en a fallu, du non-respect de ma vie privée et de celle de mes collègues. Des allusions équivoques à une épreuve personnelle et douloureuse que j'ai traversée seule et dont je ne souhaitais pas que tout le monde le sache. Des heures sup' imprévues sans qu'on me laisse le temps de prévenir ceux qui m'attendaient chez moi et qui s'inquiétaient. Des dimanches qu'on m'a fait travailler alors que j'étais censée être en vacances le samedi soir. Des obligations de participer à des soirées qui avaient tout de bals de faux-culs.
Il en a fallu, des choses que l'on m'a imposées, dont je ne voulais pas mais que j'ai eu la faiblesse d'accepter. Comme ce rôle de délégué du personnel que je n'ai jamais pu faire correctement. Et encore, je ne te parle pas des trois cons avec qui j'étais obligée de faire ça : dans leur tête, DP, ça voulait dire délégué du patron. J'ai connu leurs coups en douce, leurs mensonges, leur satisfaction d'aller dans le sens du boss et tous les fruits qu'ils en ont récolté, les augmentations, la reconnaissance. Jamais rien de bien n'est ressorti de ces dizaines de réunions. Jamais !
Il en a fallu, des sales moments. Des fausses accusations de vol contre un ami irréprochable. Des abandons de poste en cascade, qui ont décimé 70% d'une équipe. Des licenciements abusifs. Des menaces et du chantage. Des lettres d'avertissement qui travestissaient la réalité.
Il en a fallu, des défaillances de ma santé. Comme ce samedi où les pompiers m'ont emporté en urgence à l'hôpital parce que je m'étais coincé le dos. Oh, pas mécaniquement, non, juste à cause du stress et de la pression. Des vomissements et des crampes d'estomac insupportables au moment de partir travailler. Des boules au ventre en franchissant la porte du magasin. Jusqu'au burn-out, un beau jour d'août 2010...

Parce que oui, ce jour-là, je continue de le considérer comme un beau jour : il restera à tout jamais le jour où mon corps et mon esprit m'ont sauvé la vie en disant STOP !

Peut-être que, dans quelques temps, je serai capable de reparler de tout ça autrement, de façon plus approfondie, en ayant pris de la distance. Les mots que je viens de laisser sur cette page ne sont qu'une part infinitésimale de cette douloureuse histoire qui est la mienne. Je ne pardonnerai jamais. Je ne pourrai pas pardonner. C'est au-delà du mal, ce qui m'a été infligé, ce qui a été infligé à mes collègues, à ma famille, à ceux qui m'aiment. Mais je t'avoue, là, tout de suite, je suis toute à ma joie... Deux ans de bataille qui prennent aujourd'hui fin... P*TAIN JE SUIS LIBRE... ENFIN !!!!!!

*** Avec une immense pensée pour l'exceptionnel inspecteur du travail qui s'est trouvé sur ma route et qui m'a permis de m'en sortir sans y laisser trop de plumes. ***

*
Photo WeHeartIt.

Commentaires

  1. je suis bien contente pour toi :)

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  2. Ca fait plaisir à lire ! Félicitations :)

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  3. Terrible ce qu'un boulot contraignant peut faire du mal....
    Se tuer au travail prends alors tout son sens...des esclaves du temps moderne...
    je te fait des bisous Anne-Laure, je suis contente pour toi

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  4. Je suis super contente pour toi !
    Yeah ! Fiesta !
    Bisous

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  5. C'est dingue cette histoire ... je suis contente pour toi.

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  6. Pour avoir connu le harcèlement au travail, une demande de changement de poste par le médecin du travail et une reprise en mi temps thérapeutique... Je comprends ce cri de joie, et je te dis enfin tu es enfin débarrassée , reste à te reconstruire

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  7. Contente que tu sois enfin joie !

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  8. C'est terrible...Quel soulagement ! Un nouveau départ !!

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  9. beau témoignage, beau billet...
    Encore un destin croisé, aprés la perte d'un bébé et une dépression suite à cela j'ai repris le travail et ce fût mon bourreau psychologique pendant 1 an.. j'ai été licenciée aussi, pour inaptitude (harcelement)... les dragons se sont fait mutées aussi depuis je n'ai jamais re-travaillée (par envie et pour profiter de ma tribu) et j'avoue que j'ai encore peur de retrouver le monde du travail, et surtout savoir si j'ai encore une valeur pour lui!

    Merçi de ton récit!

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  10. HOURRRRRRRRAAAAAAAAAAAA POUR TOI !

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  11. Bravo Miss!!!!!et maintenant en avant <3<3

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  12. Bravo de t'en être sortie.
    Le monde est vaste et tu trouveras sûrement mieux.

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  13. Quand je te lis, j'ai une terrible sensation familière.
    J'ai vécu du harcèlement moral dans mon ancienne entreprise, humiliations, colères terribles suivies d'une apparente douceur de ma responsable, la peur au ventre tous les matins, la peur au ventre à chaque réunion, le corps et l'esprit qui ne tiennent plus, les collègues qui sont là, mais qui ferment la bouche quand la situation devient merdique, les collègues qui s'en foutent et qui prennent le parti de fermer les yeux ou de cautionner ce qu'il se passe. Les pleurs, le mal-être. C'est mon médecin qui m'a sauvée. Cela fait plus de 2 ans, j'ai retrouvé un poste, le sourire et de vraies relations de travail.
    Félicitations, je suis contente que cette lettre vienne mettre un point final à cette situation terrible et je suis sure que tu trouveras des ressources pour rebondir. Le meilleur est sûrement à venir !
    Bonne route !

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  14. champagne !! je t'avais parlé d'une mauvaise expérience que j'ai toujours pas oublié ... que ça fait du bien quand on est consciente du STOP !! Sinon, là où je travaille maintenant le candidat DP est désigné par le patron et élu avec sa voix et celles de quelques lèche-culs (comme si çà servait à quelque chose, c'est anonyme le vote) - bref jamais rien à l'ordre du jour, à la fin de la réunion, le DP rédige une note de service mdr.

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  15. T'as eu du bol de trouver un Inspecteur qui allait dans ton sens... J'ai été déléguée syndicale, ben crois-moi, j'en ai vu des vertes et des pas mures... J'ai connu une forme de harcèlement moral, mais tout petit (mais bien pourri quand même) alors je comprends ce que tu peux ressentir... Un peu comme quand j'ai démissionné avec mon diplôme d'instit en poche ^^
    ♫ "Au revoir, Président !" ♫
    http://www.youtube.com/watch?v=ChbaCxpB5ck

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  16. C'est une libération, tu vas pouvoir te reconstruire. Je te souhaite le meilleur.

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  17. Enfin une page qui se tourne... le meilleur est devant toi!

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  18. C'est l'objet d'un de mes futurs articles... sauf que pour moi, le cauchemar recommence. Je suis heureuse pour toi, pour cette délivrance.

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  19. Je suis heureuse pour toi que tout se termine bien mais avoir subi tout cela ce n'est pas humain.. pour d'autres raisons je suis sur la voie d'un licenciement.. avec plus de quiétude que toi si on peut dire cela ainsi.. je t'embrasse Anne-Laure. Bonne route le chemin est ouvert :)

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  20. J'ai connu ça alors je comprends parfaitement ton soulagement et c'est tant mieux !!!!!!!!!! je ne sais pas si cela existe mais je verrai bien regroupés dans un livre des témoignages comme le tien ( touchant !!!!!!!) histoire de réveiller les mauvaises consciences ! Bonne route Anne-laure !!!!!!!!!
    bisouilles !

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  21. Avec devant la route des Possibles !
    Bonne route!
    Biz

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  22. Ben dis-donc ... en effet pour toi ce licenciement rime avec libération ... tous mes voeux pour l'avenir !

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  23. Quelle histoire, j'étais loin de me douter de ce que tu endurais... Heureusement que notre corps est capable de dire stop quand notre tête n'y parvient pas. Je suis soulagée pour toi et te souhaite bonne chance pour la suite ;o)

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  24. Ça me fait vraiment un immense plaisir de lire ça... Ça doit être un tel poids ôté de tes épaules, tu dois te sentir toute légère ! Je t'embrasse bien fort.

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  25. Comme je te comprends, j'ai vécu ça moi aussi, je pense à un degré moindre, les pleurs dans les toilettes, ça me rappelle des souvenirs. Et un jour, on crie je suis libre !!!!!
    Mais j'avoue que j'ai eu du mal après à retravailler, j'ai fuis d'autres emplois car je sentais que ça recommencerait. Et puis j'ai fini par me mettre à mon compte, car le statut d'employée ne peux plus me convenir. Mais il y a d'autres problèmes !!!
    Alors bon courage, et youpie :))

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  26. Je crois qu'on devrait davantage "écouter son corps " ...
    Je te souhaite un beau nouveau envol .

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