Ce que mon jour doit à leur nuit

Il y a vingt ans, j'ai rencontré un homme. Les souvenirs s'effacent, même quand on ne le voudrait pas, et je ne parviens aujourd'hui à me remémorer ni son nom, ni son visage. Par contre, mon esprit n'a effacé aucune des sensations de cet incroyable moment que nous avons partagé. De ma main dans la sienne, de ces regards échangés, de sa voix chargée d'émotion, de ses larmes quand il a évoqué ce terrible matin de juin.

Il y a vingt ans, j'ai rencontré un homme, comme ça, par hasard, et nous avons chacun pris sur notre temps, sur nos vies, vingt minutes, peut-être une demi-heure, pour évoquer le passé. Douloureux pour lui, méconnu car pour le moins lointain pour moi. Il avait dix-huit ans. Ce jour-là, son adolescence et l'insouciance de sa jeunesse se sont évanouies à la seconde où son pied a foulé le sol normand. Depuis cinquante ans, il vivait avec d'effroyables images en tête, faites de sang et de larmes.

Photo Robert Capa

Aujourd'hui, j'aimerais pouvoir me dire que cet homme est à nouveau tout près de moi en ce jour de commémoration. Me dire qu'il va retrouver la Normandie, qu'il va ressentir la chaleur de l'accueil que nous leur réservons, à lui et ses compagnons d'armes. Je le lui souhaite. De tout cœur. Car je sais que la journée va être belle. Cet homme et ses pairs, il est de notre devoir de les fêter aujourd'hui, de leur ouvrir grand nos bras et nos cœurs, de dérouler le tapis rouge sous leurs pas afin de leur dire merci. Et merci, je ne suis pas certaine que ce soit encore assez...

Pour ma grand-mère qui a fui les bombardements allemands à travers champs en tenant ma tante dans ses bras... Pour mon grand-oncle fait prisonnier par ces mêmes Allemands dans l'enceinte même de son école et qui a passé toute son adolescence emprisonné... Pour mon grand-père qui a passé la quasi-totalité de la guerre dans un Stalag... Pour mon beau-père qui a perdu une grande partie de sa famille au cours d'un bombardement lors de l'effroyable Bataille de Caen... Ne jamais oublier...

*

Commentaires

  1. il ne faut surtout pas oublier............ merci pour ce bel hommage !

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  2. Ne jamais oublier... Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est grâce à eux.
    Bel hommage ♥

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  3. Un beau texte très émouvant***

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  4. Oui, il ne faut pas oublier. Ma grand mère me racontait il y a encore quelques années comment elle s'était retrouvée soufflée dans un autre immeuble, alors qu'un obus était tombé sur l'immeuble en face... Et qu'elle s'était retrouvée si surprise de s'en sortir avec juste une cheville cassée et une perte d'audition pendant plusieurs jours. Ma famille bretonne cne comprend pas ces commémorations permanentes dans la régions. Mais je pense que ceux qui ne l'ont pas vécu, ou du moins entendus au quotidien ne peuvent pas comprendre.

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