Et toi, il fait quel temps, chez toi...???


Une enquête sur les risques psycho-sociaux... C'est ce que m'a proposé mon employeur par courrier interposé. Dans le groupe dans lequel je travaille, c'est un rituel, une fois tous les deux ans, un délai qui te laisse songeur si tu penses en terme de réactivité. Et puis, d'expérience, tu ne m'empêcheras pas de penser qu'il s'agit là surtout d'un truc pour se donner bonne conscience, parce que pendant ce temps-là, les employés continuent à sombrer dans la dépression, à abandonner leur poste, voire à se suicider... Parce qu'au 20 heures, on a beau essayer de te faire croire que le suicide pour raison professionnelle est l'apanage de France Telecom, voire éventuellement de Renault, je peux t'assurer que nous aussi, on a notre cortège de "morts sur l'autel de la productivité".

Cette année, on innove, l'enquête se fait en ligne. Soit, on vit dans un monde 2.0 ou on ne vit pas. Mais cela me pose quand même un ou deux problèmes bien réels.
Le premier, c'est du pinaillage, c'est juste histoire de dire qu'on te refourgue encore un truc à faire à la maison pour les beaux yeux de ton entreprise. Je n'ai pas été élevée comme ça, ce n'est pas dans ma mentalité, et d'ailleurs, j'en ai bien assez fait, chez moi, des trucs pour le boulot. Mais je constate juste que la liste ne fait que s'allonger et qu'arriver à te faire effectuer une part de ton travail hors de tes 35 heures contractuelles, c'est tout bénef' pour eux. En plus, à 969€ par mois, c'est quand même assez génial, comme manœuvre : tu paies tes employés comme des merdes et, en plus, tu fais en sorte qu'ils remportent des devoirs chez eux...! Alors oui, il est facile à prendre en compte, le prétexte que cette enquête, elle est là pour nous...
Le deuxième est à mon avis bien plus préoccupant. Cette enquête est, selon toute logique, anonyme. Or, juste pour le fun, et histoire d'apporter de l'eau à mon moulin, je viens de tenter de la faire une seconde fois, sans la valider bien évidemment : ça passe crème, comme le dit l'Ado... Traduction en langage de salarié impliqué mais dubitatif : comment pourra-t-on alors avoir une quelconque confiance dans les résultats qui seront disséqués par notre encadrement, et sur lesquels ils seront sensés travailler afin de redresser la barre...???
Tu me diras, l'année dernière, notre directeur avait quand même osé demandé aux employés de déposer leurs questionnaires dans son bureau, nous assurant qu'ils se chargerait de les centraliser et de les transmettre à l'agence chargée du dépouillement. Tu me crois ou pas, ça avait super bien marché puisque la plupart des moutons de l'entreprise n'ont pas cherché midi à quatorze heures et lui ont obéi... Tout le monde sauf les personnes de mon service en fait ! Ça a donné lieu à de grands moments quand il a été question d'analyser les résultats !!!

Inquiète, oui, je le suis. En même temps, je ne devrais pas puisque je viens de prendre la décision de démissionner. Mais je sais que ma boîte ne fait pas exception, que nous pourrions être nombreux à produire des témoignages du même genre.
Je me souviens d'une réunion au cours de laquelle, anticipant justement cette enquête, mon directeur nous avait demandé de faire le tour des équipes afin d'évaluer l'état de leur santé, psychologiquement notamment, sur une échelle allant du vert au rouge. Le tout joué sur le ton empathique du "Mieux vaut prévenir que guérir". Il avait évidemment bien insisté sur le caractère anonyme que les réponses devaient revêtir et avait halluciné quand j'étais instantanément montée sur mes grands chevaux : "Moi, je n'ai pas besoin de l'anonymat, je vous le dis tout net, et devant tout le monde, je m'en fous, moi, c'est pas vert, c'est pas jaune, ni orange, ni rouge, moi, c'est NOIR !!!!!!". Ce con s'était marré... "Ha ha ha, je te reconnais bien là, avec ton sens de l'exagération !"... Deux mois plus tard, je lui offrais de quoi y repenser, à cette histoire d'exagération... Le reste de l'histoire, tu le connais : le burn-out, les larmes non-stop pendant dix jours, et l'arrêt longue-maladie qui fêtera dimanche ses 14 mois. J'avais été ce jour-là, la seule à dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Ce qui me rassure, c'est que depuis, les évènements m'ont hélas donné raison : trois abandons de poste, trois arrêts de travail estampillés longue-maladie, une démission... Ça laisse songeur quand on sait que l'équipe comptait au départ dix personnes...

Alors, je suis allée le remplir, leur questionnaire.
Au premier coup d'œil, j'ai adoré la page d'accueil in english... Note bien que je bosse dans une entreprise française appartenant à un immense groupe français. Et que je ne suis pas certaine que parmi mes 70 collègues, une demi-douzaine soit capable d'aligner trois mots dans la langue de Shakespeare... Ça débutait bien, mon affaire, en terme d'impression, j'avais à peine commencé que je me demandais déjà ce que je foutais là !
J'ai quand même persévéré tout en me disant que, si ça ne me servait pas à moi, ça serait peut-être utile à d'autres. Je l'ai donc rempli en sachant que l'équipe dirigeante a changé depuis que je me suis absentée et en espérant qu'elle sera plus à même d'entendre certains messages que ne l'a jamais été la précédente, tellement bien centrée sur elle-même et convaincue d'être en possession de LA vérité.
J'ai répondu en mon âme et conscience. Ne me permettant en aucun cas de juger de mon supérieur hiérarchique direct vu que je ne le connais pas. Ne laissant évidemment passer aucune question. Je ne t'étonnerai pas vraiment si je te dis qu'au final, j'ai laissé la première colonne, celle où tu coches la petite case qui dit que tout va bien, pour-ainsi-dire vierge... Pendant que la dernière, la colonne noire, recueillait de plus en plus de croix.

Je n'ai pas laissé passer la pression exagérée, l'impossibilité de communiquer sur le moindre désaccord, les salaires sans aucun rapport avec le travail fourni, les perspectives d'évolution plus que nulles, la discrimination liée à l'âge. Je n'étais pas là pour ça mais je leur aurais bien touché deux mots des coups de fils de menace de mon boss au début de mon arrêt de travail, des 25 kilos pris depuis, de mes ongles si beaux jadis sur lesquels j'ai passé ma rage, mes frustrations. Non, ça, je n'en ai pas parlé, ça ne les regarde pas.

Et puis, finalement, au fur et à mesure que les pages défilaient, j'ai réalisé une chose : ma vie professionnelle, elle est devant moi.
Et ça, ce n'est pas un bout de papier bourré de pseudos bonnes intentions qui pourra me le retirer !!!

*

Commentaires

  1. Oui c'est à ton âge que j'ai débuté la mienne pratiquement qui se terminera peut-être suite à l'arrêt maladie en cours (pas pour les mêmes raisons que toi) mais à mon âge je fais passer la santé avant tout et je vais moi aussi réinventer ma vie !

    Bonne route Anne Laure et dis toi que c'est une chance !!!

    Gros bisous.

    RépondreSupprimer
  2. Tu es très courageuse, et tu as un caractère fort, je suis certaine qu'en effet, le meilleur est devant toi, plein de bisous! xx

    RépondreSupprimer
  3. Bonne route vers de nouveaux chemins !

    RépondreSupprimer
  4. J'aime beaucoup ta conclusion. Elle me parle beaucoup en ce moment...

    RépondreSupprimer
  5. @ Evelyne --> Tu as raison, la santé est le plus précieux des biens, quand tu l'as, tu as le plus beau des trésors, tout le reste te tend les bras.
    Que ta route soit belle aussi !!!

    @ AnnaPoubelle --> Si tu savais, jamais je ne me serais imaginée aussi courageuse !

    @ Choupie --> Merci !!!

    @ Kiara --> Je souhaite à tous ceux qui se posent des questions d'y arriver, à cette conclusion ;-) !

    Vos mots sont doux, je les reçois comme un beau cadeau.
    Des bisous à vous et une belle nuit, remplie de doux rêves !

    *

    RépondreSupprimer
  6. Il m'interpelle cet article. Parce que j'étais dans un état de stress l'année passée que je ne vis plus vivre, même si parfois encore, je me surprends... à stresser.
    Je crois que certaines personnes ne réalisent pas le mal qu'elles font. Je me le suis encore pensé cette semaine. Alors j'essaye de mettre mes propres distances, de ne plus me laisser attendre, parfois ça fonctionne, parfois pas... Je ne garde à l'esprit qu'une chose : j'aime aimer faire ce que je fais. Alors parfois, je m'isole, je ferme la porte de mon bureau et puis je savoure. Mais derrière cette porte, ce n'est pas toujours facile.

    RépondreSupprimer
  7. Je te sens déterminée et forte après tout ça et j'ai envie de te tirer mon chapeau, je ne pense pas avoir cette force, loin de là. Le meilleur est à venir, je te le souhaite de tout coeur :)

    RépondreSupprimer
  8. hOU COMME C'est bon cette conclusion!
    C'est la plus belle revanche que tu puisses prendre :)

    RépondreSupprimer
  9. Bon courage sur cette route et tu as tout à fait raison, ta vie est devant toi !
    Plein de bisous

    RépondreSupprimer

Publier un commentaire

Et si tu me laissais un petit mot...?

Posts les plus consultés de ce blog

Les pourquoi en images 2014 - Philippe Vandel

Rassurez-moi, vous dites bonjour à vos voisins, vous...???