Aujourd'hui était un jour important. Et intense. D'ailleurs, pour être tout à fait honnête, je me serais écoutée, j'aurais été couchée à 20 heures, mais je me suis dit que tu avais peut-être envie d'avoir des nouvelles.
7h45, je saute dans ma voiture, il fait froid, il fait moche, j'ai peur d'être en retard.
7h55, depuis le périph', on ne voit pas le CHU, il a la tête dans les nuages, une météo de novembre, parfaite pour te donner du cœur à l'ouvrage.
7h57, je me tape un phénoménal boulet qui, pour prendre son ticket d'entrée au parking, appuie un peu partout sur la borne, mais pas sur le bouton qu'il faut.
7h58, je suis garée.
7h59, je fends le nuage de fumée des tox' hospitalisés, comité d'accueil obligatoire avant de franchir les portes de l'hosto. Ça serait moi, j'étendrais l'interdiction de fumer à 100 mètres autour des bâtiments.
8h01, je crois que la secrétaire va défoncer son ordinateur, qui ne veut absolument pas de moi, c'est pas comme si le CHU était ma résidence secondaire depuis 8 mois maintenant !
8h06, c'est bon, j'ai enfin le sésame pour aller faire mes examens.
8h07, je traverse le deuxième étage du pôle femme-enfant, direction le service de la FIV.
8h08, pinaise, elles sont déjà trois à attendre, et dire que ça n'a ouvert qu'il y a huit minutes !!! Je dis bonjour, je m'assieds, personne ne m'a répondu.
8h09, un mec arrive, dit bonjour, tiens, lui, il a de la chance, on lui répond...
8h25, c'est mon tour. La sage-femme s'appelle Stéphanie, est née la même année que moi et ne trouve pas mes ovaires. Envie de pleurer. Avec tout ce qu'on m'injecte dans le c*l depuis cinq jours, et vu comment moi je les sens, je suis prête à parier qu'ils ne se sont pas fait la malle !
8h28, finalement, on n'insiste pas. Je dois revenir dans une grosse demi-heure, et l'échographie sera faite par un médecin.
8h29, au "à toute à l'heure" prononcé par la sage-femme à mon encontre, toutes les nanas de la salle d'attente lèvent leurs yeux vers moi. Ouais, je suis la poissarde du jour. Dans certains regards, je sens de la compassion, mais dans d'autres, plus nombreux, presque du soulagement : si c'est tombé sur une autre, ça ne tombera pas sur elles.
8h30, prise de sang dans le couloir d'à côté. J'aime bien cette ambiance feutrée de début de journée de travail, toutes les lumières ne sont pas allumées, personne ne court dans les couloirs, c'est d'un calme...
8h35, l'infirmière m'a pris deux tubes de sang et me parle de sa retraite proche, de ses petites filles.
8h40, je suis redescendue, et sortie. Impossible de téléphoner depuis l'intérieur du bâtiment. J'appelle mon Chéri pour lui dire que je risque d'être longue. Je me sens flancher. Je n'ai pas déjeuner avant de partir.
8h42, je suis devant une machine à café, je raque 90 cents pour de la pisse d'âne, et je suis l'objet de quolibets mal dissimulés de la part de trois infirmiers ou aide-soignants, je ne sais pas, mais en tout cas de mecs super mal élevés... Ils parlent de drague à mon arrivée puis très vite de "pêche au gros" en me jetant des œillades appuyées, je les emm*rde !!!
8h44, je ne finis même pas mon café, ils m'en ont ôté l'envie, ces crétins.
8h45, je pars à la recherche du dernier hors-série de Saveurs chez le marchand de journaux, ils ne l'ont pas, je me rabats sur Causette.
8h52, je suis de retour dans la salle d'attente de la FIV. Cette fois-ci, on a répondu à mon bonjour. Et il y a encore plus de monde. Tiens, les lumières ont été allumées.
8h59, mon Causette est passionnant, mais je veux rentrer chez moi !
9h17, une jolie jeune femme blonde
tonitrue mon nom dans la salle d'attente. Je suis montée sur ressorts, je me lève au quart de tour.
9h18, "Oh, vous pouvez vous rasseoir, c'était juste pour savoir si vous étiez là, je vais prendre connaissance de votre dossier, je reviens de suite.".
9h20, nous montons à l'étage supérieur et retraversons le bâtiment, direction une salle d'échographie. Je ne le sais pas encore, mais je suis partie pour une demi-heure d'une expérience inoubliable.
9h25, par voie endo-vaginale, Cécile ne trouve pas mes ovaires. Mais p*tain, espèce de petits c*ns, on n'a pas que ça à foutre, vous trouvez malin de jouer à cache-cache le jour où on a besoin de vous...???
9h30, on passe à une écho abdominale. Un peu galère parce que je n'ai pas bu comme il est d'usage de le faire pour un tel examen. Si tu crois qu'une écho ne peut pas faire mal, je ne te conseille pas cette expérience. Je sens ma tortionnaire désolée, mais elle n'a pas le choix.
9h35, son acharnement paie : les deux fuyards sont localisés.
9h40, ils sont photographiés, imprimés, mesurés. Mais on ne lâche rien, ça a beau faire un quart d'heure que ça dure, on ne peut se contenter d'un tel résultat.
9h42, vidage de vessie.
9h44, et hop, c'est reparti pour un petit coup d'endo-vaginale ! Monsieur Droit se montre plus ou moins coopératif : il est plein comme un œuf. De beaux follicules comme j'en rêvais, c'est marrant, mais d'un seul coup, la pression retombe.
9h50, Monsieur Gauche est un c*nnard. On repasse en mode écho abdominale.
9h52, "euh, est-ce que vous pouvez tenir votre ventre, s'il vous plait ?"... Ah ça t'en bouche un coin, hein, une question pareille, toi qui fais du 36-38...! Tout ça pour retrouver l'ovaire perdu, c'est chose faite rapidement.
9h54, on ne lui laisse pas le temps de se replanquer, on l'attaque par l'intérieur à nouveau. Hop, chopé, mesuré, imprimé et tout et tout, on ne lui a pas laissé le choix.
9h58, je suis rhabillée, posée sur une chaise dans la salle d'attente, j'en peux plus, je veux rentrer chez moi...
10h01, Stéphanie et Cécile décident que ce n'est pas la peine de me faire mariner plus longtemps et me libèrent. Contre la promesse de me téléphoner au plus vite pour me dire ce qu'il en est.
10h06, je peste contre l'abruti qui s'est garé littéralement sur ma bagnole. Je suis obligée de rentrer dans la voiture par le côté passager.
10h08, je ne sais pas comment je vais parvenir à me contorsionner pour escalader le vide-poche central et le levier de vitesse sans faire exploser les deux mandarines supra-mûres qui me servent d'ovaires.
10h10, je parviens à quitter ma place de parking.
10h11, je regrette de ne pas lui avoir rayé sa portière en sortant, à ce c*n !
10h20, je suis à la maison, dans Ses bras, mais ça va, je tiens le choc.
14h30, mon téléphone sonne : on continue pendant trois jours, en ajoutant une piqûre pour bloquer l'ovulation. Et lundi, j'y retourne : prise de sang, et une échographie qui sera réalisée par ma gynécologue cette fois-ci. Suite au prochain épisode...
En attendant, et après, j'ai fait les magasins, j'ai fini mon bouquin, j'ai eu des velléités de sieste, j'ai savouré le dévouement de ma pharmacienne qui a cavalé partout pour me trouver mes médocs en temps et en heure, j'ai bien rigolé avec ma gentille infirmière, j'ai enduré une piqûre dans la fesse et une dans le ventre, je suis allée prendre des photos dans le champ à côté de la maison, j'ai mangé des paupiettes, et j'ai lu tous les mots que tu m'as laissés ici ou là, je ne te dirai jamais assez combien ils sont précieux !
Sur ce, je vais me coucher avec cette belle certitude en tête : l'aventure continue !!!
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